Juin 1912 – Angers-1er grand prix d’aviation de l’aéro-club de France – Départ de Labouret sur son Navire aérien – Biplan Astra

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13 – Circuit d’Anjou 
Angers – 1er Grand Prix d’Aviation de l’Aéro-club de France
Angers – Cholet – Saumur ( 16 &17 juin 1912)
L.V – Phot. – Édition Officielle 
Départ de Labouret sur son Navire aérien – Biplan Astra – Moteur Renault – 100 HP – 12 cylindres

Voici la folle histoire du grand Prix d’Aviation de l’Aéro-club de France le 16 et 17 juin 1912 , comme on pouvait la lire sur le Petit Parisien au lendemain de ce grand prix.

Le sort en est jeté ! Le Grand Prix d’aviation de l’Aéro-Club de France est commencé. Comment et quand se terminera-t-il ? C’est, à l’heure où j’écris, le secret de l’avenir, de l’avenir qui n’est à personne.  
Je m’explique :
Depuis des années, avec l’aviation, après l’automobile, j’ai vécu des Instants qui marquent, éprouvé des émotions fortes, admirer des audaces inouïes! Ce furent des heures parfois tragiques ; mais jamais encore je n’ai ressenti peut-être d’aussi, fortes secousses morales que celles éprouvées ce matin.
Après une aube claire, petit à petit, et montant avec le soleil, le vent s’est levé, augmentant de force au fur et à mesure que les minutes coulaient. A huit heures, à l’aérodrome, sous un ciel bas, tourmenté, sombre à désespérer, les nuages fuyaient; les grands peupliers sur la route se courbaient dans la rafale ; drapeaux et toiles de hangars claquaient
Certes, en de semblables circonstances, on ne partirait pas : c’était l’avis presque unanime.
M. Deperdussin déclarait :
— Mes hommes restent ici !
M. Esnault-Pelterie prenait la même décision.
Mais c’était compter sans les audacieux, les « risque-tout », que tout à la fois on admire et on critique.
Bientôt, en effet, le bruit se répandait « . les Blériot vont partir et les Morane et les Nieuport
Et c’est ainsi que, quelques instants après, nous vivions les grands émois.
Les départs
Sur l’herbe rase et rare, dans les nuages de poussière blanche soulevés par la violence du vent, et qui viennent nous aveugler, Garros a fait amener son appareil. Tous ceux qui sont la, la cinquantaine de constructeurs, de journalistes autorisés à venir sur la piste, se regardent. Des contractions se voient sur les visages ; d’aucuns osent parler et ne cachent pas leurs sentiments. Des accusations dures sont portées, dans la nervosité ambiante, contre ceux qui osent donner le départ.
Et pourtant, il n’en peut être autrement : les commissaires ne peuvent refuser le départ à un concurrent alors que celui-ci le demande, conformément à un règlement connu et accepté jusque dans ses conditions les plus draconiennes. Ainsi, des braves vont partir.
. Garros, chaudement couvert de maillots — car il fait froid — la tête enveloppée d’un passe-montagne blanc, est monté sur son monoplan et vérifie ses commandes. Le moteur, à cet instant, est toujours au repos.
Placé près de l’aile droite de l’appareil, j’entends le vent siffler dans les haubans du Blério, que quatre hommes retiennent; et ce sifflement a quelque chose de sinistre.
Personne ne dit mot. Le chronométreur, seul dans le silence poignant, annonce à Garros qu’une minute seulement le sépare de son heure de départ.
Alors, en route !
Le moteur est mis en marche et, sur un signal du pilote, les hommes lâchent prise.
En quelques mètres, pris par ce vent terrible, sous l’effort de l’hélice, Garros a décollé. A dix mètres, une rafale l’abat ; il remonte, saute d’une aile sur l’autre ; l’appareil se cabre, pique du nez, mais il s’en va et monte, monte toujours.
A 500 mètres environ d’altitude, dans un vent plus régulier, Garros vire et prend la direction de Cholet. Peu à peu, il disparaît au loin dans le plomb du cieL C’est une inoubliable vision

Circuit d'Anjou-Angers-1er grand prix d'aviation de l'aéro-club de France-1912

Circuit d’Anjou-Angers-1er grand prix d’aviation de l’aéro-club de France – Cliquez sur la carte pour l’agrandir et en voir tous les détails

Très simple, presque inaperçu, Bedel s’installe sur son siège. Léon Morane, très grave, regarde son pilote.
A 9 h. 10, à son tour, il s’envole ; mais l’impression est mauvaise. Plus que celui de Garros encore, son appareil est bousculé. Léon Morane est furieux.
— Pourquoi avez-vous laché ? crie-t-il à ses mécaniciens. Vous voyiez bien que le moteur ne tournait pas à son régime.
Il est maintenant trop tard : pris dans la vague aérienne, terriblement houleuse, Bedel n’a plus qu’à se défendre de son mieux.
Bientôt vaincu, d’ailleurs, à deux kilomètres du départ, il est plaqué à terre par le vent arrière et l’audacieux atterrit, brisant son appareil et, par une chance inespérée, ne se faisant aucun mal.
Mais voici mieux :
Legagneux, riant, blaguant, l’œil clair, suivi de Martinet plus sérieux, arrive à son tour, accompagnant son appareil ; et, a 9 h. 20, tous deux s’envolent.
L’admiration et l’émotion sont à leur comble. Très joliment, sur le nouvel appareil Zens, tous deux disparaissent
AH. 45, Espanet, sur son Nieuport, part à son tour. Puis, c’est Helen ; et puis Hamel avec un passager, M. Sassonne.
Et c’est tout pour ce matin. Les plus audacieux sont partis ; les autres demeurent, attendant l’accalmie.
Cette attente est, du reste, vaine ; ce n’est qu’assez tard dans l’après-midi, et alors que tout espoir de boucler en temps utile les trois tours réglementaires est perdu, que le vent tombera enfin.
Entre temps, un autre audacieux, Brinde-jonc des Moulinais, s’était décidé à affronter lui aussi la tempête, et avait, à midi 15, quitté l’aérodrome d’Avrillé.
Anxieusement, les spectateurs de l’aéro-drome d’Angers, après avoir vu s’éloigner Hamel, attendirent des nouvelles. Elles ne tardèrent pas à arriver, excellentes d’abord. C’est ainsi qu’on apprit le passage successif à Cholet, de Garros, à 10 h 28 ; Espanet, à 10 h. 29 ; Hamel, a 10 h. 58.
Puis, brusquement, vers onze heures l’on nous annonça que Legagneux avait fait une terrible chute.
Fort heureusement, la réalité était beaucoup moins grave
Legagneux, drossé par la tempête, avait été déporté à l’ouest de la ligne du circuit. Alors qu’il arrivait en vue de Montrevault, à la Salle-Aubry, il voulut atterrir. Plaqué durement au sol par une rafale, sa descente fut une véritable chute. L’appareil fut endommagé, mais l’aviateur n’eut pas grand mal : une légère luxation de la jambe et une bénigne foulure du poignet.
Quant à Martinet, le passager de Legagneux, il s’en tira avec de légères contusions
D’autres incidents sans aucune gravité du reste  se produisirent et obligèrent quelques-uns des concurrents à s’arrêter. C’est ainsi qu’Helen, le champion du Nieuport, fut arrêté par une légère panne de moteur à Doué-la-Fontaine, au cours de son premier tour. Son camarade Espanet fut victime du même accroc au second tour, à Cholet.
Ces incidents furent particulièrement regrettables, car on avait beaucoup remarqué les envolées merveilleuses de ces deux aviateurs et la tenue impeccable de leurs Nieu-port dans le vent. Leurs appareils, qui avaient fait une Impression énorme, méritaient un meilleur sort.
Enfin, Hamel, qui avait accompli merveille
son premier  tour, fut contraint de s’arrêter à Cholet lorsqu’il y atterrit pour une seconde fois.

LA MERVEILLEUSE COURSE DE GARROS : Des six aviateurs partie le matin, seul Garros restait donc en course


Des six aviateurs partie le matin, seul Garros restait donc en course. Ni le vent ni te pluie, ne l’arrêtèrent Toute la journée il tourna, s’arrêtant aux escales obligatoires, prenant strictement le repos que lui imposaient tes arrête réglementaires.
C’est ainsi que nous le vîmes passer à nouveau sur l’aérodrome d’Avrillé vers midi, puis à 3 heures et enfin à 6 h.2 minutes. Tout autant que lui, son monoplan Blériot à moteur Gnome (bougies Oléo) et a hélice Chauvière, fut infatigable.
Seul, en effet, Garros termina les trois tours du circuit que comportait la première journée de courses. A sa descente de son appareil il me fit en ces termes le récit de sa terrible randonnée :
— Le troisième tour a été de beaucoup le plus dur. Je l’ai accompli, tout au moins pour sa première partie, sous la pluie battante. C’était horrible ! Je conduisais d’une main et m’abritais de l’autre. Je ne voyais rien, rien. Pendant quarante minutes, je conduisis à la boussole.
Enfin, ne sachant où j’étais, je descendis dans un petit champ et un paysan me renseigna. Je ne m’étais que peu écarté de la route et me trouvais à quelques kilomètres de Cholet.
Je repartis et j’achevai le parcours avec du soleil.
Sur ces paroles, Garros reçut d’une main amie quelques pains au foie gras et se mit à les dévorer.
BRINDEJ0NC DES MOULINAIS N’EUT PAS DE CHANCE
Garros, je l’ai dit plus haut, est seul à avoir terminé la course dans les délais réglementaires.
longtemps, cependant, on put espérer que Brindejonc des Moulinais, qui était parti à midi 15 – mais dont l’heure officielle de départ était 9 h. 12 — achèverait le parcours à temps.
Mais il est des gens qui n’ont pas de chance, et Brindejonc en est un.
Au moment précis où, de l’aérodrome aux tribunes, une voix criait : « Voilà Brindejonc ! » et que fin, admirable de lignes, bel oiseau de proie, le Morane-Saulnier détachait sa silhouette dans la clarté, grande encore, de l’avant-crépuscule, au moment où il arrivait vers nous, de ses 130 à l’heure de vitesse brutale, impératif et inexorable, le canon tonnait, annonçant la fin du contrôle et Brindejonc des Moulinais atterrissait quatre minutes trop tard.Ironie terrible, ironie que l’on sentira plus glande en examinant les temps. Garros, gagnant, a accompli ses trois tours en 7 h. 56 m. ; Brindejonc, non classé, n’a fait que 7 h. 14 m.
Devant cette cruauté du sort, tout commentaire paraîtrait fade et insipide.
L’OPINION DES AVIATEURS SUR LES DIFFICULTÉS DE L’ÉPREUVE
Etait-il prudent de partir ce matin ? N’était-ce pas une folie pure ?
Cela, on se l’est demandé des milliers de fois entre 9 et 11 heures, et d’aucuns affirmaient « oui ! »
Et puis, les faits se sont produits : Garros a bouclé, EspaneL a bouclé, Hamel a bouclé, Brindejonc a bouclé.
El voulez-vous savoir ce qu’ils disaient, ces braves, à leur escale :
Garros :  Ma foi, oui c’était dur. J’ai été bousculé comme rarement je l’ai été, mais je suis tout de même revenu et je vais repartir. »
Espanet : « Au départ, des remous très violents ; mais, bientôt, dans les hautes couches, moins de « chahut », quoique le vent fût très vigoureux. Même je suis un peu étonné de la façon admirable dont mon Nieuport s’est comporté ; c’est un navire de tempête ! »
Et Brindejonc a, lui, le bon mot : Eh bien! Si j’avais su, ce n’est pas à 11 heures, mais à 9 heures que je serais parti, comme les autres. C’était très facile relativement. »
Donc, il n’était pas absolument déraisonnable de partir, et bien des constructeurs, à l’heure présente, regrettent leur mouvement de crainte. Une fois de plus, la fortune a souri aux audacieux.
Mais il n’importe ; le premier Grand Prix de l’aviation n’a pas été favorisé du sort. Trente-cinq appareils étaient à l’aérodrome pour le départ, mais sept seulement sont partis’ valablement.
Quant à l’arrivée, on en connaît les résultats : deux parviennent à faire les trois tours imposés pour la première journée, et un seul dans les conditions prescrites.
Les autres vaillants, les Legagneux, les Bedel, les Espanet, les Hamel, les Helen, ont été victimes des traîtrises de l’atmosphère en furie, des éléments ligués comme pour se défendre contre l’homme; car, ironie cruelle,   déconcertante,  Garros a terminé.

Le lendemain Garros termina cette course et remporta le premier Grand Prix de l’Aéro-Club de France. Après tous les déboires des concurrents de la veilles, une course de consolation fut organisée  et c’est le pilote Espanet sur Monoplan Nieuport qui remporta cette course de 471 kilomètres devant le pilote Bobba sur Monoplan Morane-Saulnier.

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