Le Docteur Zamenhof nous dit comment Naquit L’Espéranto

Zamenhof-inventeur de l'Esperanto

Zamenhof – Inventeur de l’Esperanto

Zamenhof – l’Inventeur de l’Esperanto
éditeur Eugene Pirou, 5 boulevard Saint-Germain
Dos séparé – non circulé
§

Le Dr Zamenhof Nous Dit Comment Naquit L’espéranto
Avant le triomphe définitif de l’idée à la réalisation de laquelle il a consacré sa
vie, le père de la langue universelle travailla de longues années dans la solitude.

LA PREMIERE IDEE
L’idée à la réalisation de laquelle j’ai voué ma vie entière perça chez moi jusque dès ma première enfance et ne m’a jamais quitté depuis. J’ai vécu avec elle et je ne puis même pas me voir sans elle. Cette circonstance vous expliquera en partie pourquoi j’y ai travaillé avec tant d’obstination. et pourquoi, malgré toutes les difficultés et d’amertumes, je n’ai pas abandonna cette idée, comme l’on fait plusieurs autres, qui avaient travaillé dans la même voie.
Je naquis à Białystok, gouvernement de Grodno. Ce lieu de ma naissance et de mes jeunes années donna leur première direction a toutes mes idées futures. A Białystok, la population se compose de quatre éléments divers : Russes, Polonais, Allemands et juifs ; Chacun de ces éléments parle une langue qui lui est propre, et ses rapport avec les trois autres n’ont rien de sympathique. Dans une ville de ce genre, plus qu’ailleurs, une nature sensible doit sentir le lourd malaise de la diversité des langues et se persuade, à chaque pas, que cette diversité est sinon là seule, du moins la principale cause des discussions dans la famille humaine, qui se divise ainsi en partis ennemis.
Ceci tourmenta toujours beaucoup mon esprit d’enfant, et je me répétais sans cesse que, quand je serais grand, rien ne m’empêcherait de résoudre cette difficulté.
De longues armées passèrent, je continuais à penser à la nécessité d’une langue internationale. Je me convainquis alors que celle çi devait être une langue neutre c’est-à-dire n’appartenant à aucune des nations vivantes.
Elève du lycée de Varsovie, je fus. pendant quelque temps, attiré par les langues anciennes, et je me mis à rêver qu’un jour, je parcourrais le monde, et que dans des discours enflammés, je pousserais les gens à ressusciter l’une de ces langues pour l’usage de tous. Ensuite, j’arrivai à la ferme conviction que chose possible et je commença] à entrevoir l’idée d’une langue nouvelle et artificielle. Alors, j’entamai souvent des essais, j’inventa des déclinaisons et des conjugaisons superbes. Mais une langue humaine, avec son amas infini de formes grammaticales, avec des centaine de milliers de mots, et ses gros dictionnaires qui m’épouvantaient, me parut une machine si compliquée et si colossale, que je me dis un jour : « Adieu les rêves ! ce travail est au dessus des forces humaines ». Et pourtant, je revenais sans cesse à mon idée.
J’avais appris l’allemand et le français, dans mon enfance , à l’âge où on ne peut pas encore comparer et tirer des conclusions ; 
mais quand je commençai à étudier l’anglais, la simplicité de sa grammaire me sauta aux yeux. Je commençai alors à rechercher pour les rejeter de ma langue les formes inutiles et je constatai que la grammaire « fondait » de plus en plus entre mes mains, au point de se réduire a quelques pages et sans nuire en rien à la langue.
Je me consacrai alors, de plus en plus sérieusement, à l’exécution de mon rêve
Cependant, les dictionnaires géants ne laissaient pas que de m’inquiéter. Un jour, je tourna par hasard les yeux vers l’inscription Svecarkaja » (cabaret) que j’avais déjà vue bien des fois et ensuite vers l’enseigne :  » Konditorskaja », (confiserie). Ce « skaja » excita mon intérêt et me montra que les suffixes donnent la possibilité de faire d’un mot d’autres mots, qu’on a ainsi plus besoin de retenir séparément. Cette pensée m’empoigna complètement, et j’eus, tout à coup, le sentiment que le terrain devenait solide sous mes pieds. Un rayon de lumière venait éclairer la question des terribles dictionnaires, et ceux-ci commençaient à fondre rapidement sous mes yeux.
LES DIFFICULTES
« Le problème est résolu », me dis-je alors. Je saisis l’idée des suffixes, et travaillai ferme dans cette voie. J’avais compris quelle importance peut avoir pour une langue, créée artificiellement l’emploi général de cette forée, qui, dans les langues naturelles, n’a obtenu qu’une efficacité partielle, sans logique, irrégulière, et incomplète. Je commençai à comparer les mots, à rechercher entre eux des rapports définis et constants. Chaque jour, j’enlevais du vocabulaire une immense série de mots, par le secours d’un seul suffixe marquant un certain rapport. J’avais le mécanisme de la langue dans la main et commençai à travailler avec régularité, avec passion et espoir. J’eus bientôt écrit toute la grammaire et un petit vocabulaire. C’est ici le moment de dire quelques mots sur les matériaux de ce vocabulaire. Dès le début, quand je recherchais, pour l’écarter, tout ce qui était inutile dans la grammaire, je cherchai aussi à réaliser le plus possible d’économie de mots. Convaincu que la forme prise par tel mot est absolument indifférente, si nous sentons qu’elle exprime bien l’idée voulue, j’inventai tout simplement des mots, en m’efforçant de les rendre le moins long possible, évitant aussi de leur donner un nombre de lettres inutiles. Je me disais qu’on peut très bien, pour rendre la même idée, remplacer le mot « converser qui a neuf lettres, par un autre de deux lettres, par exemple « pa ».J’écrivis alors la série mathématique  des réunions de lettres les plus courtes, mais faciles à prononcer, et je donnai à chacune le sens d’un mot défini .(Ex. a; ab ; ac ; ad… ba, ca, da… e, eb, ec… be, ce… aba, ara, etc.); mais j’écartai immédiatement cette idée : l’essai que j’en fis, par moi-même, m’ ayant démontré que les mots ainsi inventés sont très difficiles à apprendre, et encore plus à se rappeler. Dès lors, je fus convaincu que les matériaux du vocabulaire doivent être latins-germains et ne subir de modifications qu’autant que l’exige la régularité, et certaines autres conditions importantes de la langue. Une fois sur ce terrain, je vis bientôt que les langues actuelles possèdent une provision immense de mots internationaux, tout prêts, connus de tous les peuples, constituant un trésor pour la future langue internationale ; et, naturellement, j’utilisai ce trésor.
En 1878, ma langue était déjà plus ou moins au point, bien qu’il y eut encore une grande différence entre la  » linge uniwersale » et l’espéranto actuel. Cependant, je restai plus de cinq ans sans en parler à personne. Cette période fut pour moi extrêmement pénible. Mon secret m’étouffait Obligé de cacher avec soin mes pensées et mes projets, je n’allais nulle part, ne participais à rien, et c’est dans une profonde tristesse que je passai le plus beau temps de la vie : les années de l’étudiant.

DECEPTIONS
Je fis beaucoup de traductions dans ma langue, j’écrivis des œuvres originales et je vis, par cette mise à l’épreuve importante que ce qui paraissait au point, en théorie,, ne l’était pas du tout, dans la pratique. je dus tailler, remplacer, corriger et transformer radicalement un grand nombre de choses. Les mots et les formes, les principes et les exigences pratiques s’entre-choquaient et se barraient réciproquement la route ; alors qu’en théorie, chaque chose prise à part, et essayée dans de brèves expériences, semblait tout à fait bien. Tels détails, comme par exemple la préposition universelle « je », le verbe élastique « meti », la terminaison neutre mais définie « au », etc…, ne me seraient probablement jamais venues à l’esprit par la voie théorique. Quelques formes, qui m’avaient apparu comme une richesse, se montraient, dans la pratique, comme un lot encombrant. C’est ainsi que je dus abandonner certains suffixes inutiles. En 1878, je croyais qu’il suffisait à une langue d’avoir une grammaire et un vocabulaire. J’attribuais la lourdeur et la rudesse de la langue au seul fait que je ne la possédais pas suffisamment ; mais la pratique me persuadait de plus en plus que la
langue avait encore besoin de « quelque chose » d’insaisissable, d’un élément de liaison qui lui donnât-une vie, en même temps qu’un esprit défini et complet. (L’ignorance de cet esprit de la langue est cause que plusieurs espérantistes, qui ont très peu lu en écrivent sans fautes mais dans un style lourd eL désagréable, tandis que les espérantistes plus expérimentés ont tous un style exactement comparable, à quelque nation qu’ils appartiennent.)
Avec le temps, l’esprit de la langue changera sans doute beaucoup, quoique peu à peu, à notre insu ; mais si les premiers espérantistes, gens de nations diverses, ne trouvaient pas dans la langue un esprit fondamental bien déterminé, chacun commencerait à tirer de son côté, et la langue resterait éternellement, ou, du moins, bien longtemps, une collection de mots sans grâce et sans vie. Je commençai ensuite à éviter les traductions littérales de telle ou telle autre langue, et je m’efforçai de penser directement en langue neutre. Je remarquai, alors, qu’entre mes mains, la langue cessait d’être un « reflet », sans personnalité spéciale, de telle ou telle autre langue, à laquelle je de vais me reporter à un moment ou à l’autre, mais qu’elle avait désormais son esprit propre, sa vie propre, sa physionomie propre, bien définie, nettement exprimée, et déjà libérée de certaines influences. Son langage commençait à « couler », souple, gracieux, et libre, autant qu’une langue vivante venant de nos parents. Une autre circonstance me fit ajourner encore beaucoup la publication de la langue. Pendant longtemps, je ne pus résoudre le problème suivant, qui est de grande importance pour une langue neutre : je savais que chacun me dirait : « Votre langue ne me servira que quand tout le monde l’aura acceptée : Mais, de même que tout le monde n’eut pas été possible sans que quelques personnes isolés l’aient commenté, de même ,la langue neutre peuvent prétendre à un avenir que le jour où son utilité deviendrait, pour chaque individu, indépendante du fait de savoir si elle est déjà adoptée, ou non, par le monde. Je méditai longtemps sur ce problème. Enfin, les alphabets dits secrets, qui n’exigent pas que le monde les accepte d’avance, et qui donnent cependant à un destinataire non préparé la possibilité de comprendre tout ce que vous avez pu écrire (si seulement on lui en transmet la clé) ; ces alphabets, dis-ie, m’amenèrent à l’idée de présenter aussi la langue avec une sorte de clé. Cette clé, contenant non seulement tout le vocabulaire, mais encore toute l’a grammaire en éléments séparés, absolument autonomes, et placés dans l’ordre alphabétique, permettrait à un destinataire imprévu, et de quelque nation que ce soit,, de comprendre votre lettre.

LES REALISATIONS
Je quittai l’Université, et commençai ma pratique médicale. Je songeai, alors, à publier mon travail. Je préparai le manuscrit
de ma première brochure Dro Espéranto : Lingvo internacia. Antauparolo. kai plena lernobilro ; et je commençai à chercher un éditeur. C’est là que je me heurtai, pour la première fois, à la dure pratique de la vie, et à la question d’argent, avec laquelle j’ai dû batailler rudement, et bataille encore aujourd’hui.
Pendant deux ans, je cherchais vainement un éditeur. Quand j’en eus trouvé un il mit six mois à préparer l’édition de ma brochure, et, en fin de compte, refusa. Finalement, après de longues démarches, j’ai réussi à éditer moi-même ma première brochure, en juillet 1887. J’en étais tout ému : je me voyais devant le Rubicon, et je sentais que, du jour où paraîtrait ma brochure, je ne pourrais plus reculer. Je savais le sort réservé à un médecin qui dépend du public, si ce public le regarde comme un fantasque, comme un homme qui s’occupe de « choses à côté » ; je me rendais compte que je risquais sur cette carte, toute ma tranquillité future, avec mon existence propre et celle de ma famille ; mais je ne pouvais abandonner l’idée qui avait pénétré mon corps et mon sang, et… je franchis le Rubicon.
Ainsi parla le père de la langue universelle qui, depuis le.moment où il la lança dans le monde fit tant d’adeptes qu’on peut évaluer à environ 500.000 le nombre des personnes qui la parle actuellement.
Un tel progrès, réalisé en moins de quarante ans, permet tous les espoirs aux propagandistes de l’Espéranto.

 

Share Button

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *