L’Accident de Chemin de Fer de Chouzy (L-et-C) – 21 octobre 1904
éditeur Marcel MARRON, Orléans
Dos séparé – circulé à découvert en 1904
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Voici la suite du reportage de l’envoyé spéciale du Petit Parisien Paul GREZ.
Un Navrant Spectacle:
Les voyageurs du rapide, que le déraillement avait surpris en plein sommeil, avaient déjà pour la plupart abandonné les wagons.
À leurs cris d’effroi répondirent bientôt des clameurs effrayantes, des appels déchirants dominant les sifflements de la vapeur.
La locomotive de l’express de Nantes, une machine de soixante-dix tonnes et son tender avaient, après le choc, rebondi de l’autre côté de la voie et roulé dans le fossé, en bas du remblai haut de deux mètres environ. Le fourgon de tête avait comme un boulet défoncé l’avant d’un wagon couloir de deuxième classe qui le suivait. La toiture avait en partie été enlevée, disparue la partie gauche, émiettés les boiseries des compartiments.
Oh ! cette vision tragique dans la nuit, en pleine campagne, de gens affolés fuyant éperdus de tous côtés pour revenir bientôt joindre leurs efforts a ceux du personnel des trains et aussi ceux des gares de Chouzy et de Onzain qui, ayant entendu le formidable choc et pressenti, le malheur, accouraient, accompagnés des habitants des localités voisines
Pendant ce temps, le télégraphe avisait le chef de gare de Blois qui, lui aussi, de son côté, préparait les secours médicaux, envoyait chercher plusieurs docteurs. Les victimes étaient nombreuses, Hélas !
Si beaucoup de voyageurs du train de Nantes en étaient quittes pour des contusions plus ou moins graves d’autres étaient restés ensevelis sous les débris du wagon de deuxième classe. On entendait des gémissements, des plaintes déchirantes, et, malgré leur zèle, malgré leur dévouement, les sauveteurs devaient agir avec prudence pour ne pas provoquer par un mouvement irréfléchi quelque nouvelle souffrance.
Il fallut plusieurs heures pour achever, à la lueur des lanternes, ces pénibles recherches. Les docteurs Courvelain, Pinard, de Paris, Thierry et Parisot, de Tours, Chausseau, Lecoq, Ferrand, eurent à donner les premiers soins au mécanicien Pinpaud, au chauffeur Berne et à sept voyageurs du train de Nantes.
L’Enquête
A l’heure où je vous télégraphie un train spécial vient d’arriver sur les lieux, amenant de Paris un certain nombre d’ingénieurs et le haut personnel de la compagnie.
D’un autre côté le parquet de Blois s’est transporté ce matin, dès sa première heure, à Chouzy, pour rechercher les causes de l’accident, que l’on croit devoir attribuer à la malveillance.
Le préfet. M. Dardenne, et M. Lallemand, sous-chef de cabinet, sont sur les lieux,. avec le capitaine de gendarmerie Vernier. Une nombreuse équipe d’ouvriers travaille au déblaiement de la voie. La machine du train 31 est à droite, enfoncée dans l’entre-voie, derrière les voitures, penchées à gauche. La voie est couverte de débris.
Les circonstances dans lesquelles s’est, en effet, produite cette collision, à un point de bifurcation où, à quelques minutes d’intervalle, se croisent les trains 18 et 31, donnent à supposer, comme je vous l’ai déjà dit, que l’on se trouve en présence d’un crime.